Une routine capillaire authentique de 1828

Je passe pas mal de temps sur Gallica à la recherche de vieux livres, manuels et autres documents qui permettent de découvrir comment les gens vivaient « avant ». Car certes on peut toujours lire des livres d’Histoire ou déjà écrits par les autres mais c’est quand même bien plus sympa de trouver ses sources soi-même, la recherche c’est la moitié du plaisir je trouve.

Aujourd’hui je m’intéresse aux routines capillaires de nos ancêtres à partir de plusieurs manuels de coiffure et d’entretien des cheveux des années 1820 dont :

Garder une tête propre sans se laver les cheveux ?

Comme vous vous en doutez, pas d’eau courante (et encore moins d’eau chaude) dans les foyers du début du XIXème siècle. Il faut aller au puits ou à la rivière et l’on préfère utiliser l’eau pour les tâches ménagères et la cuisine. Pas de shampoing à l’horizon ni de nettoyage hebdomadaire non plus. Alors comment gardait-on une tête relativement propre ? Grâce à un peignage et un brossage méticuleux.

Il faut avoir le plus grand soin de tenir [les cheveux] propres en les peignant tous les jours, pour les nettoyer du son [la saleté] qui s’amasse sur la tête.
L’Abdeker moderne, 1818

On dort avec un fichu de toile sur la tête pour protéger les cheveux de la poussières et éviter qu’ils ne prennent un mauvais pli. L’idée est de brosser les cheveux généralement deux fois par jour (matin et soir) pour éliminer la poussières, les impuretés et les pellicules. L’action du brossage permet aussi de distribuer le sébum des racines jusqu’aux pointes et ainsi d’hydrater les cheveux. On commence par passer le peigne sur les cheveux pour les démêler et séparer les mèches puis on passe la brosse sur toute la tête.

Une jeune fille se prépare dans son cabinet de toilette. Circa 1830.

Et quand les cheveux sont très sales ?

On évite de se laver la tête avec de l’eau froide ou chaude car cela favoriserait les maux de tête et les douleurs aux dents, surtout chez les enfants. J’ai cependant trouvé des mentions de lavage à l’eau tiède et au savon dans certains manuels. L’Art de se coiffer conseille notamment de se laver entièrement la chevelure lorsque l’on prend un bain. L’auteur indique que cela permet de garder une chevelure en pleine santé.

Les informations divergent donc sur le sujet du lavage des cheveux à l’eau. Mais n’oublions pas que même si l’on se lave les cheveux à chaque fois que l’on prend un bain, cela n’en devient pas pour autant une activité fréquente. Une toilette de chat de parties spécifiques du corps est plus commune que des bains en immersion complète (remplir une baignoire avec des seaux c’est autre chose que d’ouvrir un robinet). Le nettoyage des cheveux à l’eau reste donc une activité peu fréquente.

Quand la situation devient critique et que les cheveux sont vraiment sales (selon les standards de l’époque qui étaient certainement plus souples que les nôtres), on peut utiliser une décoction à base de racine de brione, de patience sauvage, de mauve ou de bourrache que l’on fait bouillir dans de l’eau ou du vin.

On applique ensuite ce mélange sur les cheveux et on passe un linge chaud pour « rincer » l’excédent. L’eau athénienne est également indiquée pour dégraisser et parfumer les cheveux.

On doit avoir, pour l’entretien et la conservation des cheveux, de la crème d’alibour, et de l’eau athénienne pour les dégraisser lorsqu’ils en ont besoin.
L’art de se coiffer soi-même enseigné aux dames, 1828

Monsieur Villaret, coiffeur du roi et de la reine de Bavière et autres têtes couronnées, est source inépuisable de conseils pour entretenir ses cheveux dans L’art de se coiffer soi-même (1828)

Dégraisser régulièrement les cheveux

Pour contrôler le gras du cuir chevelu entre les grands nettoyages à base de décoctions de plantes ou d’eau athénienne, on utilise l’ancêtre du shampoing sec. Il est recommandé de d’abord se frotter doucement la tête avec du son, de peigner et de répéter l’expérience. L’idée est ici d’absorber l’excès de sébum.

Ensuite, on poudre les cheveux pour les parfumer et les fortifier. Ces poudres sont de compositions variées et en voici une recette authentique de 1828 :

Poudre pour conserver les cheveux
– 40g de racine de souchet long
– 40g de calamus aromatique
– 40g de roses rouges
– 30g de benjoin
– 6 gros de bois d’aloès (le gros est une unité de mesure, 6 gros = 25g environ)
– 15g de corail rouge
– 15g de succin (ambre jaune)
– 110g de farine de fèves
– 220g de racine d’iris de Florence (iris blanc)

On mélange le tout et on en fait une poudre très fine à laquelle on ajoute quelques grains de musc. Cette poudre parfume la tête grâce à ses ingrédients, facilite la régénération des cheveux, et fortifie les racines.

Bonus inattendue de cette poudre : « On lui attribue encore la propriété d’égayer l’imagination et de fortifier la mémoire ». Que demande le peuple ?

Le soin des cheveux au début du XIXème siècle

Lorsque le sébum est sous contrôle et la poussière éliminée, il faut hydrater les cheveux pour conserver leur brillance. Les pommades sont régulièrement appliqués sur les cheveux à cet effet. Il existe des dizaines de recettes de pommades, la plus standardisée étant la crème d’alibour.

Il ne faut cependant pas avoir la main trop leste sur les pommades puisque celles-ci graissent inévitablement les cheveux. Il s’agit donc de trouver un équilibre entre les soins nourrissants et le dégraissage régulier de la chevelure. Tout un programme.

J’observe ici qu’il faut éviter l’excès des onctions grasses sur la tête ; autant leur usage modéré fortifie et nourrit les cheveux, autant la surabondance de graisse les ferait tomber.
L’Abdeker moderne, 1818

Voici un exemple de recette de pommade pour les cheveux qui ressemble plus à une recette de cuisine que de soin capillaire :

Pommade pour les cheveux
– 30g de moelle de bœuf
– 30g de graisse de pot-au-feu non salé
Faire bouillir dans un pot de terre neuf, passer et ajouter 30g d’huile de noisette.

On pourrait s’inquiéter de l’odeur d’une telle mixture mais les pommades étaient bien entendu parfumées ! On y mettait même des parfums qui agissaient comme des répulsifs à insectes donc pas de problème de mouches et autres parasites volants.

La pommade perd progressivement en popularité dans les années 1830, elle est même à « bannir à jamais » selon le Nouveau manuel de cosmétique de 1838. On préférera alors les huiles, et seulement 2 à 3 fois par semaine.

De belles boucles brillantes grâce à l’usage régulier de pommades et huiles pour cheveux – Archiduchesse Sophie d’Autriche, 1832, Jospeh Karl Stieler

Recette authentique pour stimuler la pousse des cheveux

Il existe aussi des remèdes pour ceux qui perdent leurs cheveux. J’ai vu une technique qui consistait à frotter matin et soir un oignon blanc coupé en deux sur une zone de la tête pour stimuler la pousse (des résultats très rapides dit-on !). Il paraît aussi que les cendres de mouches à miel (abeilles) et l’huile de géranium font des merveilles pour stimuler la pousse des cheveux.

Évitez cependant les décoctions de buis pour faire repousser les cheveux car vous pourriez finir poilu comme un singe à l’instar d’une jeune fille ayant utilisé ce type de mélange. Les effets secondaires sont surprenants :

On dit qu’une fille qui avait perdu ses cheveux à la suite d’une maladie, s’étant lavé la tête avec une décoction de buis, les cheveux revinrent en grande abondance, non seulement sur la tête, mais sur le cou. et le visage qui avaient été inondés de la décoction, au point que sa figure était devenue hideuse.
L’Abdeker moderne, 1818

La graisse d’ours est également un ingrédient populaire dans les mixtures destinées à faire pousser les cheveux. La croyance étant que comme les ours sont des animaux très poilus, leur graisse permettrait d’absorber cette propriété et de faire repousser les cheveux. Une logique semblable à un autre croyance de début du XXème siècle où l’on pensait qu’absorber du sérum de sang de cheval donnait de la vigueur.

Recette originale de 1828 : huile pour favoriser la repousse des cheveux

Ingrédients :

– 450g d’aurone fraîchement cueillie et pilée grossièrement
Faire cuire dans 750ml de vieille huile et 250ml de vin rouge. Extraire le jus à travers un linge et renouveler 3 fois l’opération avec de la nouvelle aurone. Ajouter 50g de graisse d’ours à la concoction finale.

« Cette huile, dit-on, fait repousser promptement les cheveux », voilà la seule certitude que peut nous apporter l’auteur.

J’espère que ce voyage dans le temps vous aura appris quelque chose et que cela vous aura fait apprécier à quel point nous avons de la chance de pouvoir prendre des douches et nous hydrater les cheveux avec des produits qui ne sont pas à bases de graisses animales 🙂

Dans un prochain article, je m’intéresserai à la coiffure au début du XIXème maintenant que nous savons comment entretenir nos cheveux convenablement.

Amusidora

Hello ! Moi c'est Claire. Eternelle curieuse, je suis passionnée d'Histoire de la mode et d'histoires insolites, toujours en quête de nouvelles choses à apprendre (et souvent difficiles à placer en soirée, certes). J'adore me plonger dans de vieux livres d'époque et je collectionne aussi de vieux papiers et des revues anciennes. Mes sujets de prédilection ? La première moitié de XIXème siècle et la période Art Déco, mais pas uniquement. Je partage ici mes trouvailles pour tous les curieux qui voudront bien passer un moment sur ce blog.

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