C’est assurément une question que tout le monde se pose au réveil, je le conçois 🙂 Mais en même temps, ce n’est pas parce qu’on ne se pose pas certaines questions que les réponses ne sont pas intéressantes. Et d’ailleurs avez-vous une idée de quand date le premier magazine de mode ?
Je vous emmène à la découverte d’un petit bout d’Histoire de la Mode. Des débuts de la diffusion de la mode au 17ème siècle dans le Mercure Galant jusqu’au premier journal officiellement dédié à la mode et ses plaisirs. en
Fashion Week à la cour de Versailles
Au 17ème siècle, il n’existait pas vraiment de canal uniformisé pour la diffusion des modes en France. L’exemple à suivre était bien entendu la cour de Versailles. Mais pour rester au fait des dernières tendances, les dames de France et les tailleurs ne disposaient que de gravures de mode compilées dans de gros « livres ».
L’exemple le plus emblématique est Le Mercure Galant, une gazette éditée à intervalles irréguliers à partir de 1674 et qui recensait les dernières tendances à la cour du roi.
Il ne couvrait pas seulement le domaine de la mode mais aussi la littérature, les arts, les potins, les dernières règles de l’étiquette et même les jeux. On pouvait par exemple y trouver des gravures de mode accompagnées d’une description des matières et couleurs utilisées :
Il faut certes utiliser son imagination pour visualiser les couleurs et les matières. Nous n’avons plus l’habitude. Cependant j’imagine que les gens à l’époque s’en sortaient très bien… et qu’ils connaissaient beaucoup plus de types de tissu et techniques de couture que nous !
Barbie avant l’heure : la poupée de mode
Le Mercure Galant est resté la source d’information principale en ce qui concerne les tendances de la mode de la fin du 17ème jusqu’au début du 18ème siècle. Cependant, il existait en parallèle un autre moyen assez coûteux de diffuser les modes de manière fiable et détaillée.
Les poupées de mode ou Pandores étaient des poupées que l’on habillait avec des répliques des robes portées à la cour. Elles mesuraient entre 90 cm et 1,20 m mais pouvait parfois atteindre la taille réelle comme la poupée à gauche ci-dessous.
La coiffure, les bijoux, le maquillage, les matières, les coupes, les accessoires, tout était méticuleusement recréé pour constituer une copie parfaite des modes de la cour. Ces poupées appartenaient généralement à des dames de la noblesse. Elles les faisaient confectionner et habiller comme elles pour ensuite les faire circuler dans les hautes sphères de la société, faisant et défaisant la mode à volonté et mettant en avant leur bon goût par la même occasion. Un peu comme des influenceuses du 18ème siècle.
On trouvait également ces poupées mannequin chez les confectionneurs de vêtements. Ils s’en servaient pour montrer les dernières modes à leurs clientes dans leur atelier ou directement chez elles si elles payaient un supplément. On envoyait aussi ces poupées dans toutes les cours d’Europe pour diffuser le très prisé style à la française, sommet d’élégance à l’époque.
Ces figures de bois avaient pris une telle importance qu’elles bénéficiaient même d’un laisser-passer leur permettant de franchir toutes les frontières de l’Europe. Même en temps de guerre ou d’embargo, les poupées mannequins pouvaient donc circuler plus librement que certains types de vivres. On voit où se trouvaient les priorités.
La première revue de mode : Le Cabinet des Modes
1785. C’est cette année-là qu’est apparu en France la première revue de mode du monde (cocorico 🐓). Il s’agissait du Cabinet des Modes, ou Les Modes Nouvelles qui paraissait toutes les deux semaines et dont l’objectif était, je cite :
[de donner] une connoissance exacte & prompte, tant des Habillemens & Parures nouvelles des personnes de l’un & de l’autre Sexe, que des nouveaux Meubles de toute espèce, des nouvelles Décorations, Embelissements d’Appartemens, nouvelles formes de Voitures, Bijoux, Ouvrages d’Orfèvrerie, & généralement de tout ce que la Mode offre de singulier, d’agréable ou d’intéressant dans tous les genres. – Le Cabinet des Modes, 1785
Cabinet des modes, ou les Modes nouvelles – 1er Novembre 1785
L’orthographe et les majuscules sont telles qu’on les trouve dans le texte d’origine.
Savoir justifier la nécessité du luxe
Ce qui est plus étonnant en revanche c’est la façon dont les auteurs justifient l’utilité du luxe :
On sait que dans les grandes Sociétés, où il y a de l’inégalité dans les fortunes & dans les conditions, des richesses & par conséquent du superflu, il doit y avoir nécessairement du luxe & que le luxe est utile ; car si le riche n’emploie son superflu à des objets de consommation qui deviennent son nécessaire par l’habitude, il n’est plus de moyen de faire refluer ce superflu dans la classe nombreuse qui s’occupe des Arts & de l’Industrie. Le luxe restitue donc au pauvre ce que l’inégalité lui fait perdre ; c’est à lui que nous devons l’activité du Commerce, l’encouragement des Manufactures, la création des Beaux-Arts, les succès de l’Agriculture, qui fleurit toujours en raison d’une plus grande consommation ; en un mot, de plus grandes ressources & de plus grandes jouissances. – Le Cabinet des Modes, 1785
Les riches rendent simplement un service à la société et aux plus pauvres en achetant des produits de luxe puisqu’ils leur donnent du travail, CQFD.
Donc apparemment le luxe est tout à fait normal et nécessaire au bon fonctionnement de la société, et les excès de la cour sont simplement là pour rendre service au peuple. On se demande vraiment pourquoi il y a eu une Révolution à la fin du siècle. Franchement on leur donnait du travail à tout ces gueux je ne vois pas pourquoi ils étaient mécontents, pas de quoi faire sauter la tête du roi, non vraiment 😉
Mieux que les poupées de mode ? La revue de mode !
On parle aussi de nos chères poupées de modes en expliquant leurs limites et soulignant ainsi l’aspect bien plus pratique d’un journal de mode en comparaison :
Les Éditeurs du Cabinet des Modes voient avec satisfaction que leur entreprise est une des plus agréables que l’on ait faites, surtout pour l’Etranger ; on pourroit même dire des plus utiles, car l’Italie, l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne, les Habitans du Nord, ne seront plus obligés d’entretenir, à grands frais, des Commissionnaires ou de faire fabriquer des Poupées, des Mannequins, toujours imparfaits & cependant fort chers, qui ne donnent tout au plus qu’une nuance de nos Modes nouvelles. – Le Cabinet des Modes, 1785
Pour clore cette petite portion d’Histoire de la mode, je vous laisse admirer quelques gravures que l’on peut observer dans les premiers numéros du Cabinet des Modes.
Bon comme vous pouvez le constater, à l’époque on aimait BEAUCOUP les GROS chapeaux :
Sources :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5608591g/f5.item
http://www.bnf.fr/documents/biblio_histoire_mode.pdf
http://www.sculfort.fr/poupees//vademecumpoupees_files/tag-xviiie-s.php
http://histoire-du-costume.blogspot.fr/2012/05/la-garde-robe-des-poupees-travers-le.html
http://marie-antoinette.forumactif.org/t2584-mannequin-et-poupees-de-mode-au-xviiie-siecle
http://les8petites8mains.blogspot.fr/2012/11/mode-enfantine-et-luxe-6-le-contexte.html?m=1
http://eighteenthcenturylit.pbworks.com/w/page/75858416/Dolls
http://fashionartdaily.blogspot.fr/2009/11/the-history-of-fashion-magazine.html#.WkQy4t_iZnI