Exposition Universelle de 1900 : attractions et curiosités

Avec l’Exposition Universelle de 1900, Paris devient la vitrine mondiale de tout un siècle et ouvre la voie vers un nouveau millénaire plein de promesses. L’Exposition organisée en réponse aux ambitions similaires de l’Allemagne, est une démonstration éclatante du génie français dans les domaines de la technologie et de la culture.

Cet événement monumental mêle l’élégance traditionnelle et l’innovation futuriste, marquant également la transition d’une approche scientifique et éducative vers une approche plus commerciale et ludique, reflétant les changements de l’époque. Des nations comme l’Allemagne participe pour la première fois à une exposition française, témoignant de l’influence grandissante de la France sur la scène internationale.

Cet article explore les merveilles, curiosités et avancées technologies qui ont défini l’Exposition Universelle de 1900, une célébration de l’art, de l’architecture et de l’esprit d’innovation à l’aube du 20e siècle.

Genèse de l’Exposition Universelle de 1900 : l’art de montrer qui est le patron

Après le succès de l’Exposition Universelle de 1889, la France savoure sa position parmi les leaders mondiaux, prouvant que Paris est bel et bien la cité reine des expositions. Elle a démontré de manière indéniable sa suprématie et son rayonnement culturel et technologique.

Tout le monde est fort satisfait de cette prouesse.

Les Allemands annoncent leur intention d’accueillir l’Exposition de 1900

Sauf qu’en 1892, on apprend que nos voisins allemands ont l’intention de tenir une exposition universelle à Berlin pour l’année 1900. Alors certes, 1900 c’est encore un peu loin au moment de l’annonce mais le poids symbolique de cette année de changement de siècle n’est pas des moindres.

La nation qui accueillera l’exposition universelle de 1900 se placera naturellement en tant que chef de file des innovations du nouveau siècle. Le rayonnement tout entier de la France est en jeu.

Le France riposte

Piquée au vif de devoir faire face à une telle concurrence, la France annonce donc en 1892 qu’elle accueillera la cinquième Exposition Universelle. Elle se tiendra d’avril à octobre 1900.

Ce n’est pas une proposition, ce n’est pas une option, c’est un fait. Les Allemands sont cordialement invités à participer s’ils le souhaitent. Alors qu’ils n’avaient pas été invités ni en 1878 ni en 1889. (La défaite contre la Prusse en 1870 était encore un peu trop fraiche).

Les Allemands, un peu offusqués, savent malgré tout qu’il leur sera inutile de se lancer dans une bataille contre la France pour ramener l’Exposition Universelle à la maison. La suprématie culturelle de la France à travers l’Europe est sans conteste et les Allemands ont parfaitement conscience qu’ils ne pourront pas rivaliser. IIs auront au moins tenté le coup.

Les provinces s’agitent : pourquoi toujours Paris ?

Après cette victoire culturelle sur les Allemands, la France fait tout de même face à un certain mécontentement sur son propre territoire.

Les provinces sont contre le fait que l’Exposition Universelle se tienne toujours à Paris car toute la richesse générée reste dans la capitale et ne profite pas aux provinces. Cette opposition est très politisée et je ne rentrerai mais dans les détails.

La problématique est cependant balayée d’un revers de la main : on répond à Paris que les provinces fourniront tout ce qu’il faut pour nourrir et abreuver les visiteurs de l’exposition. L’argent va donc bien redescendre en province.

Un peu comme pour les Allemands finalement, on leur dit qu’ils sont bien mignons mais l’Exposition allait se tenir à Paris que cela leur plaise ou non.

Les attractions surprenantes, originales et même inexistantes de l’Exposition Universelle de 1900

L’Exposition Universelle de 1889 avait dévoilé au grand jour la tour Eiffel, simple attraction devenue icône de toute une ville.

En 1900, Paris se doit donc d’avoir son clou pour l’Exposition et d’asseoir l’influence culturelle et scientifique de la France. Contrairement à l’approche très scientifique et éducative de l’Exposition de 1889, cette Exposition se veut plus ludique et commerciale. On est souvent plus proche de la foire ou du parc d’attraction que du musée de la science.

Les visiteurs peuvent ainsi déambuler dans les rues du Vieux Paris et acheter leur gazette du Vieux Paris éditée spécialement pour l’occasion, visiter le Palais de l’optique et sa multitude d’attractions dont la Grande Lunette de 69m de long, découvrir les merveilles du cosmos à l’intérieur du Globe Céleste, voyager à bord d’un steamer sans même se déplacer grâce à l’expérience immersive du Maréorama, ou même s’installer à bord d’un ballon géant au centre d’un cinéma à 360° dans le Cinéorama.

Il est cependant peu probable que quiconque ait fait l’expérience du Cinéorama, car la seule chose qui existait de cette attraction mystérieuse était le bâtiment qui l’abritait et le rêve de son créateur qui l’a annoncé en grande pompe. Le cas est si intéressant que j’y ai consacré un article entier : Le Cinéorama : mystère de l’Exposition Universelle de 1900

Partons donc à la découverte de quelques attractions de l’Exposition Universelle de 1900.

Le Vieux Paris

L’Exposition Universelle n’est pas uniquement une célébration des avancées technologiques de l’époque. C’est aussi l’occasion de poser un regard sur le passé et sur le rayonnement culturelle de la France.

Ainsi les visiteurs de l’exposition peuvent découvrir le Vieux Paris : une reproduction en carton pâte de célèbres quartiers parisiens à l’époque médiévale. Je dis en carton pâte car les bâtiments de l’exposition étant voués à être temporaires, on a fait usage de matériaux qui donnent l’illusion de la pierre mais ne sont pas destinés à durer dans le temps.

Le Vieux Paris est un espace immense de 6000 mètres carrés, installé au bord de la Seine et reposant à moitié sur l’eau grâce à des pilotis. La façade du Vieux Paris exposée du côté de la Seine mesure pas moins de 260 mètres de long et voir l’attraction de l’extérieur est déjà un divertissement en soi. Cela est d’ailleurs un frein au succès de l’attraction car l’entrée est à seulement un franc mais la plupart des visiteurs se contente d’admirer le Vieux Paris de l’extérieur.

A l’intérieur, des gardes, des musiciens, des jongleurs et d’autres personnes costumées se promènent dans les rues de ce grand parc d’attraction médiéval pour renforcer le sentiment d’immersion. Une gazette est éditée spécialement pour l’Exposition Universelle sous la houlette de Robida, illustrateur célèbre de l’époque à qui l’on ne doit pas uniquement la gazette mais également tout le concept du Vieux Paris. La gazette paraît tous les mois et elle est imprimée sur différents vélins. Chaque numéro a sa propre thématique et sa propre époque.

A ma grande surprise, j’ai réussi à me procurer un exemplaire complet de cette Gazette du Vieux Paris sur eBay. Vous pouvez voir tous les numéros sur le blog dans cet article sur la Gazette du Vieux Paris.

Le palais lumineux Ponsin

Le palais lumineux de l’Exposition Universelle de 1900 est un bijou et un O.V.N.I. à la fois. Si l’on en croit les descriptions et les images qui nous sont parvenues, cet édifice devait offrir une vision absolument spectaculaire aux visiteurs de l’époque.

Né de l’imagination de Joseph-André Ponsin, maître verrier de la fin du XIXème siècle, ce petit palais est une ensemble de plusieurs styles allant de la pagode chinoise, au style Louis XV en passant par des ornements de style byzantin. On nous dit dans les guides de l’époque que « tout les styles se confondent et s’harmonisent ». Je pense que l’aspect général aurait fait un peu chargé pour nos goûts contemporains. L’effet global devait cependant être impressionnant.

Des tonnes de verre

Perché sur un socle de granit de douze mètres de haut dont s’écoule une cascade, ce palais Ponsin est un véritable objet d’art et une ode au savoir-faire verrier de l’époque. Le palais est construit avec pas moins de 85 tonnes de verre blanc fourni par la manufacture Saint-Gobain.

On accède au palais lumineux par deux escaliers de cristal de 35mm d’épaisseur avec des rampes ornées de conques marines brillantes. On se demande comment cela pouvait être assez solide pour accueillir du public, mais une chose est sûre, cela devait être absolument féérique. Le bâtiment est soutenu par quatre colonnes massives en marbre couleur lapis-lazuli, ornées de lianes d’or fleuries et de gros cabochons rouges. Vous commencez à comprendre pourquoi je dis que c’est un peu « chargé ».

Le Palais lumineux, tout en étant un objet d’art monumental auquel ont collaboré les grands artistes et les premiers industriels de notre époque, constitue en même temps la plus curieuse exposition de lumière par l’électricité et la plus belle exposition de verrerie et de glacerie combinées qui ait jamais été formée.

Guide Armand Silvestre de Paris et de ses environs et de l’Exposition de 1900, p.162

Un intérieur féérique

A l’intérieur, la plafond est en opaline dorée mais le plus remarquable est certainement un « tapis lumineux » ou « tapis translucide » nous dit-on, qui est en réalité un sol en verre orné de matériaux couleur or, platine, rouge et bleu. Ce « tapis » a une surface de 196m2 et représente à lui seul 10 tonnes de verre.

Comme cela ne suffisait pas semble-t-il, le fond du palais est, quant à lui, orné d’une sorte de mur de verre et de miroirs « aux reflets de lune » sur lesquelles semblent venir geler plusieurs chutes d’eau sortant de la gueule d’un monstre. Des stalactites de verres semblent commencer à fondre et le ruissellement rejoint le petit lac en contrebas.

Les 36 mètres de haut du palais sont couronnés par Electrione, déesse de la lumière, sous les pieds de laquelle tourne lentement un globe terrestre. La statue tient une torche dans chaque main, formant deux point lumineux dans la nuit.

Pour rajouter au côté époustouflant de cette présentation, le palais est étincelant de jour comme de nuit. De jour, la lumière s’amuse sur les surfaces en verre et se reflètent aux couleurs de l’arc-en-ciel comme à travers des vitraux. De nuit, l’édifice acquiert un aspect incandescent grâce à 12 000 lampes réparties uniformément à travers la structure en verre.

Le palais lumineux abrite également une grotte souterraine décorée de rochers en miroir et où les visiteurs peuvent observer des verriers en train de fabriquer des bibelots de verre. Au premier étage du palais, on pouvait trouver une taillerie de pierres précieuses. L’entrée coûtait 1 franc.

Le Globe Céleste

Le Grand Globe Céleste est une immense structure de 45 mètres de diamètre avec une façade extérieure bleue et dorée décorée de constellations et des signes du zodiaque. La taille imposante et la forme singulière du bâtiment en font une attraction difficile à manquer lorsque l’on se promène au bord de la Seine. Les photos d’époque avec la tour Eiffel en arrière-plan sont d’ailleurs du plus bel effet :

Le Globe Céleste avec la tour Eiffel en toile de fond. Source: Le Panorama : Exposition universelle 1900, Gallica, BnF

L’attraction peut accueillir une centaine de visiteurs à la fois. On entre à l’intérieur du globe et on s’installe dans des fauteuils en position allongée pour admirer les merveilles du cosmos sur la voute au dessus de nos têtes. D’après ce que décrivent les sources de l’époque, la structure pouvait effectuer un mouvement de rotation (probablement par un système de panorama) et représenter le mouvement des planètes et des constellations.

Pour renforcer l’atmosphère céleste de l’ensemble, un orgue joue des musiques de Saint Saëns composées spécialement pour l’occasion. Ce devait être un fort joli spectacle.

L’accident de la passerelle

Le Globe Céleste est malheureusement aussi connu pour avoir été le théâtre d’un accident mortel le 29 avril 1900. A l’origine l’accès au Globe Céleste devait se faire par une passerelle passant au-dessus de l’avenue de Suffren. La passerelle, qui n’était pas encore ouverte au public, s’est effondrée sous son propre poids au moment du démontage des échafaudages, tuant sept personnes.

Le Maréorama

A une époque où les panoramas sont un divertissement roi, la Maréorama de l’Exposition Universelle a rencontré un succès colossale grâce à une expérience très immersive.

Dans cette attraction, les spectateurs peuvent s’installer dans un bateau à vapeur qui les emmène dans un voyage magique à travers les mers. Des effets de vent et de lumière ajoutent encore au côté immersif de l’attraction. L’illusion de mouvement en avant s’accomplie grâce à des toiles qui se déroulent progressivement de chaque côté du bateau comme on le voit sur les illustrations ci-dessous. Chaque toile mesurait 750 mètres de long et un peu plus de 10 mètres de haut. Le tout peint à la main !

C’est probablement le type d’attraction qu’aspirait à être le Cinéorama dont je parle également dans cet article, à la différence que les technologies utilisées pour le Maréorama sont plus en adéquation avec les avancées techniques de l’époque.

Un des panoramas du Maréorama accompagné de sa partition. Montage provenant de Musicales Stories à partir des réductions pour piano disponibles sur Gallica BnF.

Voici une description du Maréorama que l’on pouvait trouver dans les guide touristiques de l’époque :

Au coin de l’avenue de Suffren et du quai d’Orsay, s’élève le Palais du Maréorama, cette attraction si curieuse et déjà célèbre, qui donne l’illusion parfaite d’un beau voyage maritime. Les spectateurs sont placés sur le pont très exactement reproduit d’un steamer, où un équipage de véritables marins exécute très régulièrement les diverses manœuvres. Une machinerie puissante […] imprime à ce pont les mouvements du roulis et du tangage, pendant que les manches à vent, tournées vers les « passagers », leur soufflent un air vif imprégné de senteurs marines par son passage à travers une couche de varech (note : le varech c’est une algue). À tribord et à bâbord se déroulent d’immenses toiles, peintes […] qui représentent prestigieusement tous les sites et tous les aspects de ce voyage enchanté. Le mouvement des toiles, combiné avec ceux du pont, crée l’illusion complète de la marche en avant du navire. Une tempête, des effets de nuit et d’aurore complètent le charme pittoresque du voyage, pendant lequel se déroule une admirable symphonie due au célèbre compositeur Kowalski, et qui s’imprègne de couleur locale sous chaque ciel.

Vingt jours à Paris, pendant l’Exposition universelle de 1900 : guide-album du touriste

Pour aller plus loin, le site Tribord Amure a un article très complet sur le Maréorama et vous trouverez également d’autres détails sur cette attraction sur le site Musicales Stories qui adopte une approche davantage orientée vers l’expérience musicale du Maréorama.

L’aquarium

Les aquariums sont un divertissement classique des Expositions Universelles. En 1867, on peut déjà visiter un aquarium d’eau douce et un d’eau salée dans une caverne artificielle à l’Exposition Universelle de Paris. Les aquariums n’ont donc rien de nouveau à l’Exposition de 1900 mais ils ont tout de même tenu à en avoir un.

Pour ajouter une touche d’originalité, le décor de l’aquarium donne l’illusion de navires naufragés. On ajoute des scaphandriers qui font des bulles, on fait nager des baigneuses dans les eaux de l’aquarium et aussi… des sirènes ! Oui au diable la science, on veut du divertissement. L’Exposition de 1900 ressemble souvent à une fête foraine on ne va pas se mentir.

Sur l’illustration de gauche on peut voir comment les sirènes étaient en réalité le reflet des femmes de chair et d’os dont l’image apparaissait dans l’aquarium par un habile jeu de miroir :

Le Ballon Cinéorama : l’attraction qui n’a jamais existé

Le Ballon Cinéorama de l’Exposition Universelle c’est le mélange entre un cinéma panoramique et Google Street View… à la mode 1900. Une attraction en avance sur son temps et qui n’aurait semble-t-il fonctionné qu’une seule fois avant d’être définitivement fermée au public. Et encore, certains disent que cette attraction de l’Exposition Universelle n’a même jamais existé. Mystère, mystère…

L’ambition du Cinéorama est, à l’instar du Maréorama, de faire voyager les visiteurs sans physiquement quitter Paris. Les visiteurs s’installent dans une nacelle de ballon et autour d’eux, sur un écran à 360°, dix projecteurs diffusent un film panoramique les amenant aux quatre coins du monde.

Problème : aucune trace de séance de projection devant les visiteurs dans les journaux de l’époque. Les prouesses du Cinéorama sont annoncées avant son ouverture, on connaît le programme du voyage hypothétique en ballon, son emplacement est indiqué sur certains plans de l’Exposition et pas sur d’autres, certains guides de l’Exposition en parlent… mais rien dans les journaux.

J’ai d’abord vu le Cinéorama mentionné dans un guide de l’époque et après une recherche rapide sur Wikipédia j’ai découvert que cette attraction n’avait certainement jamais eu de projection publique. Comme je suis curieuse, je me suis penchée sur la question et je suis tombée sur les recherches de l’historien du cinéma Jean-Jacques Meusy.

Il mène une enquête tout à fait passionnante sur cette attraction fantôme qui n’aurait fonctionnée que dans la tête de son inventeur supposé Raoul Grimoin-Sanson. J’ai consacré un article entier au Cinéorama car j’ai trouvé les recherches de Meusy fascinantes et que cela met bien en lumière le fait que les sources primaires sont parfois à prendre avec des pincettes.

Le Palais de l’Optique

Ce palais est d’abord une curiosité architecturale. La coupole de l’entrée est une verrière qui représente ce qui est décrit comme une aurore boréale mais les représentations varient parfois. La nuit lorsque le bâtiment s’éclaire on peut admirer des effets de couleurs très intéressants. La thématique décorative du palais tourne, à l’instar du Globe Céleste, autour des constellations et des signes du zodiaque.

Une pléthore de divertissement en un seul endroit

Pour ce qui est des activités dans le palais, il propose une accumulation impressionnante d’expositions et de divertissements en tout genres. Dans l’Exposition du siècle, Albert Quantin nous décrit ce que l’on peut voir au Palais de l’Optique :

Dans le Palais de l’Optique, on devait voir d’abord la lune, non pas à 1 mètre, mais à 67 kilomètres; dans la salle Pasteur, les projections de tous les microbes connus; dans la salle Roux, les mondes vivants des gouttes d’eau; dans la salle Cuvier, la formation de la terre en vingt périodes; dans la salle Rœntgen, un choix de rayons X; dans les salles Galilée et Flammarion, les astres grandis jusqu’à 300.000 fois au-dessus de la vision ordinaire de nos yeux; dans une série d’autres salles, des polarisations cristallographiques, des incandescences chimiques, des concerts lumineux et un orgue optique, des images électriques, des jeux de lumière froide et des phosphorescences minérales, la mort d’un astre et ses météorites, des plantes sensitives obtenues par la radio-culture, les mondes souterrain, sous-marin et aérien, toutes les merveilles de la lumière et de l’électricité. La vision de l’horreur, un puits sans fond, un labyrinthe, des miroirs grotesques et magiques, des danseuses phosphorescentes et des femmes-caméléons ajoutaient leur amusement au sérieux de la science.

Source : L’Exposition du siècle, A. Quantin, 1900

Quantin écrit également que ce programme chargé a bien été respecté mais que l’ensemble était très confus pour le visiteur qui passait d’une salle sombre à une salle lumineuse, était bombardé d’explications en tout genre, voyait des spectacles trop rapides et, désillusion suprême, appris que « la lune était un astre mort, dépourvu de tout habitant ».

Dans la salle des microbes vous pouviez même repartir avec votre petit flacon de microbes photoluminescents, parce que déjà à l’époque on trouvait toujours une occasion de vous vendre quelque chose :

[…] près de la porte une dame tient à la disposition du public, pour un prix minime, des petits flacons de microbes dégageant les uns une légère lueur laiteuse, les autres une petite lumière d’un vert pâle.

Gazette de Lorraine, 16 juin 1900

Ah, c’est beau la science !

Néanmoins, Quantin nous explique aussi que parmi cette foire à l’amusement une attraction très sérieuse sort du lot par sa réelle valeur scientifique : la Grande Lunette.

La grande lunette de 69 mètre de long

La Grand Lunette (ou télescope) du Palais de l’Optique, est une prouesse d’ingénierie visant à rapprocher la Lune des visiteurs et ainsi la montrer en plus grand que jamais. L’objectif annoncé était « la Lune à un mètre » des visiteurs. Objectif qui n’a pas été atteint mais le résultat final a néanmoins été tout à fait honorable avec un grossissement obtenu de fois 6000.

Concrètement, cela donne une projection de la Lune de 5,60m de diamètre sur un écran, comme si elle se trouvait à 58 kilomètre de l’observateur (Quantin dit 67km, les sources divergent un peu). L’affiche publicitaire pour la Palais de l’Optique nous montre d’ailleurs une femme tenant l’astre dans ses mains, comme si elle la rapprochait littéralement des visiteurs :

Une prouesse technologique

La grande lunette est composée de deux objectifs : un pour effectuer des prises de vues photographiques et un autre destiné à l’observation de la Lune par la projection de son image sur une toile. Chaque objectif mesure près de 70 mètres de long et 1,25m de diamètre. C’est un monstre de métal de plus de 20 tonnes. Dans ces conditions, impossible de faire tourner le télescope pour qu’il suive le déplacement de la Lune. Il faut donc faire preuve d’ingéniosité pour amener l’image de la Lune jusqu’au télescope et non l’inverse.

Dans L’Exposition Universelle de 1900 de Louis Rousselet, on apprend que les ingénieurs ont employé le sidérostat de Foucault. Il s’agit d’un mécanisme de miroir qui permet de suivre le mouvement de la Lune et de refléter son image dans l’objectif de la Grande Lunette. Le miroir utilisé fait 2 mètres de diamètre, 27 centimètres d’épaisseur et pèse à lui seul 3,6 tonnes. Le polissage de ce miroir gigantesque a nécessité pas moins de huit mois pour obtenir une surface parfaitement plane. La base du sidérostat flotte, quant à elle, dans une cuve de mercure pour en alléger le poids et rendre la rotation du mécanisme plus aisée. Ce n’est donc pas le télescope qui bouge mais le sidérostat qui reflète dynamiquement l’image de la Lune dans la lunette.

Un spectacle pour les visiteurs

Contrairement à l’image d’illustration ci-dessus, les deux objectifs de la Grande Lunette ne se trouvent pas réellement dans la même salle. L’illustration de ci-dessus à gauche a volontairement simplifié la configuration de l’installation à des fins de clarté. La lunette visant à projeter l’image de la Lune est en effet dans une salle séparée de 65 mètres de long et 10 mètres de large où les visiteurs peuvent ainsi l’observer à niveau grâce à une passerelle :

Au bout de cette lunette, se trouve une salle avec des gradins de 3000 places permettant d’observer la projection de la Lune sur grand écran. Il s’agit d’un spectacle rare car la Lune n’est pleine qu’une fois par mois et que même sur les jours où elle est suffisamment pleine pour l’observation, les nuages s’invitent parfois à la fête. Les belles projections de la Lune ne sont pas si communes et deviennent par conséquent des événements très populaires auprès du public.

Cartes postales commémoratives du Palais de l’Optique

Comme beaucoup d’attractions de l’Exposition Universelle de 1900, le Palais de l’Optique a également édité une série de cartes postales souvenirs pour l’occasion. Ces cartes représentent des constellations et signes du zodiaque rappelant ceux qui couronnaient le porche du bâtiment. Je les trouve très jolies donc je vous en partage quelques une pour le simple plaisir des yeux :

L’exposition universelle de 1900 comme si vous y étiez

Pour ceux qui, comme moi, aiment s’imprégner d’une époque par l’image, je vous invite à feuilleter Le Panorama disponible sur Gallica. Ce livre regroupe un nombre impressionnant de photos de l’Exposition, c’est un excellent document de recherche dont je me suis servi abondamment pour essayer de me représenter à quoi pouvaient ressembler certaines attractions.

Pour aller plus loin : sources

Bien que j’essaie de citer mes sources au fur-et-à-mesure pour les sujets spécifiques, je regroupe ici les sources principales qui m’ont permis de rédiger cet article. La plupart proviennent de Gallica, sans surprise.

Amusidora

Hello ! Moi c'est Claire. Eternelle curieuse, je suis passionnée d'Histoire de la mode et d'histoires insolites, toujours en quête de nouvelles choses à apprendre (et souvent difficiles à placer en soirée, certes). J'adore me plonger dans de vieux livres d'époque et je collectionne aussi de vieux papiers et des revues anciennes. Mes sujets de prédilection ? La première moitié de XIXème siècle et la période Art Déco, mais pas uniquement. Je partage ici mes trouvailles pour tous les curieux qui voudront bien passer un moment sur ce blog.

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